UK Mod icons ...

The ACTION n’a jamais cessé d’être célébré par les Mods mais reste cruellement ignoré du reste du public. Tout apprenti «face» qui se respecte se plonge d’abord dans les oeuvres des WHO, SMALL FACES et ACTION. c’est ainsi ! De là à classer le groupe comme un simple passage obligé, il n’y a qu’un pas que je vous recommande de ne pas franchir. The ACTION est beaucoup pus que ça. L’interview qui suit est tirée du célèbre fanzine américain «the Big Takeover». Ce n’est qu’une partie de l’interview intégrale mais il m’a semblé que cet extrait permettait de cerner parfaitement non seulement The ACTION mais également l’esprit de l’époque. En abordant la gestation de «Rolled gold», les fameuses bandes jamais éditées à l’époque, le groupe revient sur son amour pour la musique noire et son lien avec le mouvement Mod. Let me take you where the ACTION is !


LOOSE NUT : La direction du groupe a clairement évolué. Du rush d’adrénaline Mod, du Rhythm and blues noir américain de «Harlem shuffle» et «Keep on holding on» ( MARVELETTES) vous êtes allés, avec «Rolled Gold», vers une pop vaguement psychédélique, plus mesurée mais toujours puissante. Que vous rappelez vous de l’évolution de la pop elle même à cette époque et de comment ça a influencé le groupe ?
Michael : Oui, Il se passait tant de choses. On a toujours écouté des choses variées, du jazz Mod (John Coltrane, Charles Mingus, Miles Davis) à Bob Dylan, les BYRDS, les BEACH BOYS. Je pense que chacun d’entre nous était en train de changer. La scène Mod était à son apogée en 1966 et elle était en train d’évoluer vers quelque de différent, de plus adapté à l’esprit qui régnait à l’époque. The ACTION était complètement en accord avec ça. En temps que groupe, il fallait constamment aller de l’avant et évoluer musicalement. On n’aurait jamais pu faire du sur place. On essayait de trouver un autre cadre musical, quelque chose qui laisserait d’avantage de place à l’improvisation pour projeter nos idées. On considérait avoir une rythmique du feu de Dieu (shit hot !) avec d’excellents chanteurs et on voulait introduire des instruments solistes pour étirer un peu les choses. Alors on a commencé à entendre les groupes américains de la côte ouest, LOVE, BUFFALO SPRINGFIELD, les débuts du GRATEFUL DEAD ... Et on a trouvé ça irrésistible parce que ça correspondait complètement à notre manière de voir les choses. Je pense aussi qu’on se rendait compte que les racines de tout ça étaient les mêmes que les nôtres, Blues et Modern Jazz, et que les trucs West coast étaient sérieux, c’étaient des musiciens sérieux. Il n’y avait rien de superficiel ou d’inutile dans ce qu’ils faisaient. On s’est reconnu immédiatement là dedans, en temps que langage pour exprimer des choses qui avaient besoin d’être dites à cette époque, ceci malgré le fait que nous avions une perception différente des choses puisqu’on vivait à Londres et non à Los Angeles ou San Francisco. Inévitablement, on y a mis beaucoup de d’éléments à nous.
Roger : On essayait vraiment de rendre hommage à la musique qui venait d’Amérique et je pense qu’on essayait aussi de la traduire pour le public britannique. On pensait toujours à cette musique comme quelque chose de live. Quand on travaillait sur une chanson, on pensait toujours qu’on allait la jouer devant le public avec lequel on s’amusait le plus ... les Mods. Ils étaient les seuls qui écoutaient vraiment ce genre de musique et on essayait de la jouer dans les clubs comme le Marquis, le Goldhawk à Shepherds Bush et le Birdcage à Portsmouth. D’une certaine manière, on était des messagers, on faisait circuler notre propre vision de ce qu’était être Mod. On faisait aussi connaître à notre public toutes sortes de morceaux obscurs qu’on avait découverts. On entendait par exemple dans un club un disque des OLYMPICS, peut être à Londres ou dans le sud de l’Angleterre car c’est généralement là qu’il y avait la plupart des Mods. On travaillait ensuite ce morceau pour en faire sortir ce que nous pensions en être la substance. On en faisait ensuite notre interprétation dans un club du nord, ils découvraient le morceau. J’imagine qu’on faisait passer le message.
Reg : On a toujours été intéressés par la bonne musique. Le Rhythm and Blues noir était vraiment, vraiment de la bonne musique. C’est la musique dans laquelle on s’investissait à cette époque parce qu’on pouvait la travailler et en faire notre propre truc. De grands morceaux comme «Since I lost my Baby» (par les TEMPTATIONS, #17 en 1965) étaient parfaits tels qu’ils étaient. On ne pouvait pas les perfectionner. Nous avions une optique, une vision différente. On avait dans notre tête («Our mind’s eye») une vaste image de ce que nous voulions que cette chanson soit, de ce que nous voulions qu’elle dise. Comme pour une peinture. Il y avait aussi des choses que nous savions être importantes mais que nous ne savions pas où placer. De la même manière qu’un peintre, nous commencions par tartiner, poser les bases. On savait par exemple qu’on voulait un crescendo ici, et là une partie calme. Puis graduellement, on trouvait la place pour les autres éléments jusqu’à ce qu’on s’approche de l’image que nous avions en tête au départ. Comme n’importe quel artiste qui revient sur une de ses peintures et qui se dit «Ah, je vois ce qu’il faut maintenant». Chaque fois qu’on jouait une chanson, on la changeait et on s’approchait de la vision qu’on en avait au départ. On changeait une chose, on en ajoutait une autre ... Quand je chantais une chanson, je me projetais dans les choses de ma propre vie, les choses que je connaissais. Peut être des petites choses comme la douleur ressentie en tombant de vélo étant gamin. Une douleur qui n’a duré que quelques minutes mais dont vous vous souvenez et que vous avez magnifié. On se servait peut-être du quotidien, de choses qui signifiaient quelque chose pour nous. Je n’essayais pas d’être Smokey Robinson, cela aurait été impossible ; Il avait une vision différente, forcément, et on respectait cette vision. On changeait les chansons pour qu’à la place elles expriment notre vision.
Alan : Je pense que la musique Pop de cette époque, spécialement aux USA, était influencée par ce qui se passait au Viet Nam. Ca a créé beaucoup de ressentiment contre la société chez des gens, pour en nommer quelques-un, comme Bob Dylan, Joan Baez, JEFFERSON AIRPLANE, Country Joe and The FISH, Arlo Guthrie. Tout ça a filtré juqu’en Angleterre et on a été emportés par le flot. Bien qu’on n’écrivait pas de Protest-songs, on était pris dans le syndrome «Fais ton propre truc» ... Et comme je l’ai dit sur les notes de pochettes de «Rolled gold», tout le truc LSD/Herbe a eu un grand rôle là-dedans.
Tous les autres groupes Anglais commençaient à s’écarter du son «British invasion» qui reposait beaucoup sur les reprises pour aller vers une pop plus personnelle, plus évoluée.
Reg : Graduellement, nous avons voulu dire d’autres choses et les reprises ne convenaient plus alors nous avons commencé à écrire des chansons qui puissent dire les idées et les sentiments qu’on voulait exprimer à ce moment là.
Michael : Oui. Il y avait deux voies ; les groupes américains et les groupes anglais. On était plus influencés par la musique américaine en général. La question à propos des reprises est une bonne question. Comme le disait Reg, on ne considérait pas que nous faisions des reprises. Faire des reprises signifie copier ou essayer de faire quelque chose qui soit comme l’original et je crois que beaucoup de groupe faisaient ça. On travaillait sur une musique que nous ne pensions pas pouvoir être améliorée sous cette forme. C’était le seul genre de musique que nous jouions à cette époque. Ce n’était pas melangé avec quoi que ce soit d’autre. C’était le véhicule que nous avions pour exprimer nos idées en temps que musiciens. C’était joué par les musiciens les plus extraordinaires. Je pense aux sessionmen de la Tamla Motown comme en particulier James Jamerson (célèbre bassiste). Cela aurait été une insulte aux originaux d’essayer de les copier. Cela ne nous est jamais venu à l’esprit ! De toutes façons, on n’aurait pas pû le faire si on l’avait voulu. N’oubliez pas l’énorme quantité de chansons sur lesquelles nous avons travaillé et qui venaient de Girl-groups. Alors on essayait de faire quelque chose de différent avec ces morceaux. On se mettait à décomposer un morceau, à en examiner tous les différents éléments puis à le reconstruire à notre manière. J’imagine que d’une certaine manière cela devenait une autre chanson parce que Reg chantait à propos de choses qu’il connaissait pendant qu’on essayait d’interpréter parfaitement notre vision. C’est intéressant aussi parce qu’on revenait très rarement à la version originale une fois qu’on avait travaillé nos propres arrangements et interprétations. On se référait toujours à la dernière fois qu’on l’avait jouée pour essayer à nouveau de l’améliorer. C’est pourquoi on a jamais essayé d’écrire à cette époque, quand on commençait. Ce n’était même pas la peine d’essayer de faire nos propres morceaux à la Tamla Motown. En premier parce que cela n’aurait pas été authentique et ensuite parce qu’il y avait déjà tant d’excellente musique qu’on voulait explorer. Puis, quand CREAM sont apparus avec leur manière de jouer du free-jazz enraciné dans le blues, ils nous ont fait une forte impression. Quand on les a vus pour la première fois en 1966, on s’est dit «Oh, on PEUT faire un truc pareil». Après ça, on a changé très rapidement parce qu’ils nous ont montré ce qu’il était possible de faire.
Alan : Il faut se rappeler que les chansons de Rolled Golled ont été écrites sur une longue période de temps. Certaines idées ont été conçues dans une chambre d’hotel pendant qu’on était sur la route avec The ACTION et n’ont pas abouti avant qu’on ait le temps d’aller en studio. Dans mes souvenirs, j’ai l’impression que nous faisions sans arrêt des concerts.

LN : Quelle était l’atmosphère au sein du groupe et en studio quand vous travailliez sur les sessions de Rolled Gold ? Vous les considériez comme des démos à cette époque d’ailleurs. Que vous souvenez-vous des tentatives, malheureusement infructueuses, de trouver un label avec ces bandes ? Avez vous été frustrés quand le label a laissé tomber alors qu’il était clair que vous, en temps que groupe, teniez quelque chose de brillant ? (Etait-ce Polydor comme Alan croit se rappeler sur les commentaires de pochette ?)
Michael : On était complètement investis, pleins d’énergie et engagés dans ce que nous faisions. Il nous arrivait de faire des sessions à n’importe quel moment, la nuit et au delà ... C’était très différent des sessions à Abbey Road (avec George Martin) qui étaient faites de façon plus formelle. A l’origine, on a fait ces sessions pour les faire écouter à George Martin qui ne nous laissait pas le temps d’être créatifs. Alors on les a faites nous-même. On a fait la majeure partie de ces enregistrements dans un petit studio à l’intérieur du bâtiment de polydor grâce au bureau de Giogio Gomelsky (Ancien manager des ROLLING STONES et des YARDBIRDS) qui nous a soutenu quand notre management du moment nous a laissé tomber, quand il était évident qu’ils n’étaient pas intéressés. On l’a fait écouter à Ronnie Lane (Bassiste des SMALL FACES) avec en tête l’idée qu’il nous aide à trouver un deal avec Immediate mais rien n’en est sorti. On les a même emmenées chez Apple pour voir si les BEATLES seraient intéressés. On a même parlé à Captain Beefheart quand il est venu à Londres, on devait lui envoyer une cassette. Je ne me rappelle pas comment ça s’est terminé ! C’était frustrant mais on avait tant de choses à penser à cette époque, puis Reg est parti et on est juste passés au stade suivant.
Roger : Je crois que Rolled Gold était comme Revolver pour les BEATLES : Un changement complet de musique tout en gardant les mêmes musiciens et le même son. On savait que c’était bon et je crois que comme c’était une démo, ça a un côté cru, non fini. En temps que groupe, on n’a jamais douté de notre musique mais la brigade «chaussures noires» déguisée dans des tenues à la mode qui dirige le music-business ... On avait de sérieux doutes à leur encontre. En fin de compte, on en revenait toujours à la même chose, «se faire voir», et ça signifiait faire des choses que vous n’aviez peut être pas envie de faire juste pour essayer d’obtenir un hit. On n’a jamais voulu faire ça ! Je crois qu’on haissait tous cet univers bidon et que c’est pour cette raison qu’on n’a jamais eu de hit. On ne le voulait pas suffisament fort, on pensait que le prix à payer aurait été trop élevé. Ok, un hit aurait plutôt été bienvenu s’il était arrivé mais je crois que nous étions toujours plus heureux (et donnions le meilleur de nous même) dans les clubs. The ACTION était avant tout un groupe Live, les enregistrements étaient quelque chose de tout à fait différent.
Reg : Nous avions écrit les morceaux de «Rolled gold» sur une certaine période de temps. Quand on les a enregistrées, on les considérait comme des idées «brutes» qu’il fallait travailler. De bonnes idées mais des idées qu’il fallait encore travailler. Tout le monde avait mis son grain de sel dans les morceaux, avait amené son truc, c’était comme ça qu’on travaillait. On savait qu’on ne voulait pas faire les choses juste pour décrocher un hit. Un peu avant, Tony Secunda de Marquee artists, avait essayé de nous avoir. Il voulait qu’on s’enchaîne à des grilles, des trucs de ce genre et on ne voulait pas le faire. A cause de ça, il a rassemblé les MOVE et il leur a dit qu’il voulait qu’ils soient exactement comme The ACTION ! Ils sont venus voir ce qu’on faisait. Leur chanteur, Carl Wayne, copiait tout ce que je faisais. J’ai réalisé qu’avant tout, il voulait être moi ! Roy Wood a écrit quelques bonnes chansons pop pour eux et ce que Tony Secunda leur avait dit a fonctionné : Ils ont décroché des hits. Mais on n’aurait jamais explosé des postes de TV ou des trucs de ce genre. C’est la musique qui était importante pour nous.
(Ndt : Les MOVE étaient connus pour leur habitudes de scène assez exubérantes ... Destruction de poste TV, de voitures ...)
Alan : Je ne me rappelle pas avoir été trop dégouté de ne pas trouver preneur pour l’album «Rolled gold». En fait, je crois qu’au lieu d’être une intention, l’idée de faire un album nous est venue après l’enregistrement des démos. Oui, nous étions déçus, mais on a fini par ne plus y penser et on a continué de jouer, c’est ce que nous aimions avant tout. Reg a finalement décidé de partir pour faire une carrière solo et Roger, Mike et moi nous avons continué avec Martin Stone (lead guitare) et Ian Whiteman (sax/claviers) qui avaient déja participé aux démos et nous sommes devenus MIGHTY BABY - Un nom qui parassait être plus en phase avec les choses de son époque mais que, j’aimerais l’ajouter, nous n’avions pas choisi. Nous avons enregistré deux albums avant de nous séparer en 1971.

LN : Alors Alan avait tort quand il a dit que les démos étaient destinées à Polydor ?
Michael : Non, elles étaient clairement enregistrées avec George Martin en tête, avec l’idée de les développer ensuite avec lui.

LN : Etant donné son fabuleux travail avec vous sur Air, le label qu’il avait lancé, est-ce que vous vous rappelez de sa réaction à l’écoute de «Rolled gold», les bandes que vous aviez enregistrées à sa propre intention ? Il n’a jamais été question de les sortir à nouveau sur Air/Parlophone ? Ou au contraire est-ce que le groupe avait déja été viré après que les cinq singles que vous aviez fait pour eux aient échoué dans les charts ?
Roger : Pour être honnête, «Rolled gold» n’était pas une proposition très commerciale à ce moment là. C’était avant que les albums ne deviennent le grand truc, ce qui est arrivé un peu plus tard. Le marché était toujours très orienté vers les singles. Les compagnies de disques voulaient toutes un hit à un moment ou à un autre et c’était frustrant pour elles que nous n’en ayons pas malgré que ça nous ne nous ait jamais vraiment dérangés.
Michael : On a présenté «Rolled gold» à George et il a choisi «In my dreams» que nous avons enregistré avec lui pour faire un éventuel nouveau single mais on a jamais été jusqu’à la face B. George aimait vraiment ce qu’on faisait mais le business de la musique était, et est toujours, dirigé par l’argent et nous étions hors budget. Alors nos chemins se sont séparés après les démos. On avait été avec George pendant deux ans, il avait aimé notre musique et je sais que même aujourd’hui il ne comprend toujours pas pourquoi ça n’a pas été des hits.
Quand est-ce que le groupe a jeté l’éponge alors ? Quand les labels se sont défilés ou quand Reg est parti ?
Michael : The Action s’est vraiment séparé quand Reg est parti. On a continué en temps que The ACTION pendant un moment mais on était vraiment en train de se transformer en MIGHTY BABY et de réaliser nos intentions en temps que musiciens.
Roger : Dynamics ! On était toujours en train de chercher de nouvelles dimensions, on ne pouvait pas s’arrêter. Alors, sans preneur pour «Rolled gold», Reg et nous, nous avons pris des chemins différents. On continuait de se voir lorsque nous faisions des sessions pour d’autres artistes. C’était aussi la naissance de MIGHTY BABY, douloureuse mais ? (rewarding)
Reg : The ACTION ne s’est pas séparé comme beaucoup de groupes l’ont fait. Il n’y a jamais eu d’engueulades ou de choses comme ça. On voulait juste faire des choses légèrement différentes. Je voulais produire des disques et le reste des gars voulaient se concentrer sur le jeu. Cependant, quand j’ai fait mon album solo, je les ai fait venir tout de suite, directement, parce que je ne pouvais rien faire sans eux. Je n’étais pas le leader, nous étions un clan. On avait été à l’école ensemble et on ne s’est jamais laissés tomber. Quand nous nous sommes retrouvés pour jouer, on a juste repris les chose là où nous les avions laissées. The ACTION sera toujours The ACTION.